Fernando Alonso – EL PADRE


Fernando Alonso : Portrait d’un Matador en Quête d’Éternité

Certains pilotes sont définis par leurs statistiques, d’autres par leur voiture. Fernando Alonso, lui, est défini par une mentalité : celle d’un guerrier insatiable, d’un stratège hors pair, d’un « Taureau des Asturies » qui, depuis plus de vingt ans, refuse de baisser les bras. Son histoire n’est pas seulement celle de titres mondiaux, mais celle d’une quête acharnée de perfection, faite de sacrifices, de gloire, de désillusions et d’une résilience qui défie le temps.


Chapitre 1 : L’Éclosion d’un Prodige (1981-2002)

Né en 1981 à Oviedo dans une famille modeste, loin de la culture du sport automobile, Fernando Alonso a le destin qui bascule grâce à la passion de son père. Dès l’âge de trois ans, il est au volant d’un kart. Les sacrifices familiaux sont immenses, symbolisés par les trajets de 17 heures vers l’Italie, « là où se déroulaient les meilleures courses », comme il le raconte. Le jeune Nando dort dans la voiture pendant que son père roule toute la nuit pour qu’il puisse être à l’école le lendemain.

Ce dévouement paie. Alonso explose tout en karting et se fait repérer par l’ancien pilote Adrián Campos. Le passage en monoplace est fulgurant. En 1999, il domine la Formule Nissan, non sans avoir appris de ses erreurs. Après une première course ratée, il se jure que c’est « inadmissible » et remporte la suivante, affichant déjà cette force mentale qui le caractérisera.

Le moment clé reste son test pour Minardi en F1. Sous une pluie battante, l’équipe lui demande de ralentir par peur de casser la voiture. Alonso acquiesce, retourne en piste… et va encore plus vite, collant plus d’une seconde au pilote de référence. Flavio Briatore, le flair infaillible, le repère et l’intègre à la filière Renault. Après une saison d’apprentissage en 2001 dans une Minardi assemblée sur le tas, l’avenir s’annonce.


Chapitre 2 : La Gloire et les Titres (2003-2006)

Après une année 2002 comme pilote d’essai, Alonso est titularisé chez Renault en 2003, sous les sarcasmes de la presse britannique. Sa réponse se fait en piste. Fiévreux et malade en Malaisie, il signe la pole position et termine 3ème. En Hongrie, il confie à sa grand-mère : « Je vais gagner ». Il s’élance de la pole et remporte sa première victoire, allant jusqu’à prendre un tour à Michael Schumacher.

2005 est l’année de la consécration. Au volant d’une Renault R25 quasi parfaite, il met fin au règne de Ferrari. La défense héroïque face à Schumacher à Imola pendant 13 tours devient un symbole : le jeune loup tenant tête à la légende. Sa régularité est monumentale : 15 podiums en 19 courses. Au Brésil, il devient le plus jeune champion du monde de l’histoire. Pour parachever son œuvre, il effectue un dépassement d’anthologie sur Schumacher dans le virage 130R à Suzuka, prouvant que son titre n’est pas dû qu’à sa voiture, mais à un talent brut exceptionnel.

En 2006, il confirme. Face à un Schumacher revanchard, Alonso défend son titre avec une maturité de fer. Malgré les ennuis et la remontée de Ferrari en milieu de saison, il saisit sa chance à Suzuka lorsque le moteur de l’Allemand explose. Au Brésil, une deuxième place lui suffit pour devenir le plus jeune double champion du monde de l’histoire, offrant un deuxième titre constructeurs à Renault avant de partir pour un nouveau défi chez McLaren.


Chapitre 3 : Les Désillusions et les Quasi-Titres (2007-2014)

Cette ère est celle des choix audacieux et des frustrations immenses. 2007, chez McLaren, est la saison du chaos. L’arrivée du prodige Lewis Hamilton, un climat glacial dans l’équipe et le scandale d’espionnage « Spygate » créent une guerre interne. L’anecdote des qualifications en Hongrie, où Alonso bloque volontairement Hamilton dans les stands, résume la tension. La saison se termine de la manière la plus cruelle : Räikkönen est sacré champion pour un seul point, tandis que les deux pilotes McLaren finissent à égalité.

Après un retour de deux ans chez une équipe Renault en déclin (marqué par la victoire polémique de Singapour 2008 dans l’affaire du « Crashgate »), Alonso réalise son rêve en rejoignant Ferrari en 2010. Il gagne dès sa première course à Bahreïn, mais le rêve vire au cauchemar. En 2010, une erreur stratégique monumentale de Ferrari à Abou Dhabi lui coûte le titre au profit de Vettel. En 2012, il livre l’une des plus grandes saisons de l’histoire, transformant une Ferrari F2012 médiocre en une machine à gagner. Ses victoires sous la pluie en Malaisie ou sa remontée folle de la 11ème à la 1ère place à Valence sont des masterclass. Pourtant, il échoue une nouvelle fois à la dernière course face à Vettel, pour seulement trois points. Frustré de se battre avec des armes inférieures, il quitte la Scuderia fin 2014 en déclarant : « Je n’ai plus le temps d’attendre. »


Chapitre 4 : La Traversée du Désert et la Renaissance (2015-2022)

Le retour chez McLaren en 2015, cette fois avec Honda, est un désastre. Le moteur est si peu performant qu’Alonso le qualifie de « moteur de GP2 » en pleine course. L’image de sa chaise longue à Interlagos devient le mème d’une époque de frustration. Lassé, il quitte la F1 fin 2018 mais entame une « retraite active » : il remporte deux fois les 24 Heures du Mans, devient Champion du Monde d’Endurance et s’essaye même au Dakar. Il prouve qu’il est un compétiteur total.

En 2021, il revient chez Alpine (ex-Renault). Le point d’orgue est sa défense héroïque sur Lewis Hamilton en Hongrie, qui offre la victoire à son coéquipier Esteban Ocon. Il retrouve même le chemin du podium au Qatar. Mais en 2022, lassé par les pannes de fiabilité et les tensions internes, il crée la surprise en signant chez Aston Martin pour 2023.


Chapitre 5 : Le Phénix Britannique (2023 et au-delà)

À 41 ans, beaucoup le croient fini. Il va leur donner tort. L’Aston Martin est une révélation et Alonso enchaîne les podiums dès le début de saison 2023. Son intelligence de course est intacte, comme lorsqu’il commente à la radio une manœuvre de son coéquipier vue sur un écran géant, tout en pilotant à 300 km/h. Il termine la saison à une impressionnante 4ème place, rappelant au monde qu’il est toujours au sommet de son art.

Aujourd’hui, alors que les rumeurs d’une collaboration avec le génie Adrian Newey persistent, Alonso continue de se battre. Il a prouvé que l’âge n’est qu’un chiffre. Son nom est déjà gravé dans l’histoire, non pas seulement pour ses titres, mais pour sa mentalité. Celle d’un guerrier qui, même après toutes ces années, nous donne le privilège de le voir en action.

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